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animé par Valéry Meynadier et Dominique Bertrand
une fois par mois : Vendredi 28 février – Vendredi 28 mars – Vendredi 25 avril – Vendredi 30 mai
La « Scène ouverte » (Slam) : laboratoire de zumanité
Quelques mots en vrac à propos de cette pratique qui se répand de plus en plus, invitant chacun – quiconque – à venir sur scène, face à un public, pour laisser entendre comment ça pulse en lui, la parole, lorsque celle-ci – enfin allégée de sa fonction lourdingue d’ustensile communicationel – se découvre alors des rythmes, des profondeurs et des puissances inconnues.
Véritable laboratoire de l’humain, la « scène ouverte » attire ceux que le langage travaille du dedans, tant les laborieux de la grammaire que les blessés du verbe (et il y en a bien plus qu’on peut le croire) qui trouvent dans le rythme et les assonances l’élan qu’il faut pour sauter, et se laisser surprendre par leurs propres mots.
Laboratoire de la démocratie, aussi, car cela n’est possible que grâce à l’écoute des écoutants, et parce que la force de la poésie est de permettre de dire n’importe quoi, même la vérité. Mais ici ce n’est pas tant ni seulement la vérité du contenu qui est en jeu, que l’étrange vérité de l’acte lui-même, qui le rend plus vrai que vrai : le fait de prendre parole, non pas tant pour dire quelque-chose mais pour faire entendre ce miracle : la parole cherchant à sortir d’elle-même pour goûter au poignant vertige de l’indicible.
Soit : réveiller l’étonnement de cet évènement originaire qui fit de notre ancêtre commun le premier primate parleur. On comprend mieux quand on les voit sur la scène, les zumains, l’ouvrir toute grande pour qu’ils en sortent, les mots qui se bousculent dans leur gorge, cherchant à faire phrases pour en avoir le droit, de parler, et de se faire entendre, et d’en être digne alors, d’être humain…
Alors on comprend mieux ce qu’on fout là, malgré les prétentions, les maladresses, les flambées narcissiques, à porter sa carcasse sur cette terre. Juste pour ce qui leur sort parfois des lèvres, lorsqu’en dedans ça se bouscule, et que les mots s’accrochent les uns les autres pour franchir le seuil de l’audible et d’un coup faire monde. Humain est un mot de nombreuses solitudes, irrésistiblement attirées dans la nuit par le même brasier de verbe. Fraternité rare d’une énigme commune.
– D.B.-